Lavaredo Ultra Trail 2015

Après un peu plus de 8:00 de route à effleurer Turin, Milan et Venise pour retrouver les Dolomites, me voilà à planter mon campement de fortune luxueux au Camping Rochetta à Cortina d'Empezzo afin de me reposer au mieux avant le départ du vendredi 23:00 pour mon premier gros objectif de l'année et pas des moindres sur THE NORTH FACE® Lavardo Ultra Trail et ses 119 kms, 5850m D+.

N'ayant pas d'assistance cette fois-ci, je prends une partie de la journée du jeudi pour placer quelques rations bien emballées et cachées avant plusieurs ravitos, pour ne perdre de temps et n'avoir qu'à recharger les bidons.

L'attente est longue le vendredi surtout quand on ne peut pas faire de sieste avec la chaleur et les tondeuses qui tournent jusqu'à 19:00 derrière la tente.

La météo s'annonce favorable pour la course avec un risque d'orage en milieu d'après-midi, vu mes pronostics, je devrais y échapper.

Start line en place, je me faufile au milieu des 56 nations et 1200 coureurs pour me rapprocher au plus prêt des élites. Je retrouve Claire Nédelec pas loin derrière que j'invite à rentrer dans le SAS élite.

Le départ est donné, les meilleurs démarrent doucement comme certains l'avaient annoncé ce qui me permet de prendre leur rythme durant toute la première montée et de me faire encourager par Sébastien Camus. La première descente donne le ton pour faire sa place, certains coureurs se mettent déjà de bonnes chutes dans le single enraciné. N'ayant presque pas touché à mon eau, je ne m'arête pas au ravito d'Ospitale km18. Nous empruntons toujours la piste large et roulante un moment avant d'attaquer l'ascension vers Son Forca qui est en grande partie sur les pistes de ski. J'utilise donc les bâtons pour gagner en jambes. Entre temps, je commence à ressentir de mauvaises sensations au niveau du ventre avec l'humidité corporelle qui se dégage du t-shirt, je décide par sécurité de me couvrir avec la veste pour garder le ventre au chaud au risque de ne plus pouvoir m'alimenter comme il faut.

Je m'arrête un court moment pour enlever un caillou dans la chaussure, puis quelques kilomètres plus loin, c'est Claire qui me récupère. Nous ferons une bonne partie de la descente ensemble jusqu'au ravito de Federavecchia km33 en semant quelques coureurs, elle fera même une belle chute sur le plat juste avant le ravito sans gravité mais le bruit était surprenant derrière moi dans l'obscurité. Je récupère mon premier zip de barres et gels dans un pneu de barrière.

Je refais le plein de liquide et perds du temps à revisser correctement un bidon pendant que Claire disparait, je ne la reverrai plus et ma 56ème place s'efface doucement après 3:32.

Les citrons avalés et le froid me serrent un peu le ventre dans la montée sur Misurina, je sens une gène depuis la petite descente dans la chaussure qui me contraint à remettre la semelle correctement car elle s'était retournée au dessus du pouce. Certains coureurs récupèrent de l'assistance vers le lac de Misurina ainsi que sur la route plus haut alors que ce n'est pas autorisé, un peu décevant de voir ça. Le ciel se dégage doucement pour mieux éclairer la nuit par sa demi lune avant le lever du jour et laisser apparaître la pointe des reliefs. Je perds un quarantaine de places sans m'en apercevoir (peut être de la triche en voiture pour certains...).

J'arrive au refuge Auronzo km48 sous un ciel moins sombre et un vent assez froid après 6:20 ( temps exact que je m'étais fixé). N'ayant pas de retard et ayant laissé un sac avec du change et de quoi mieux manger pour un petit déj', j'essaye de prendre le temps de manger difficilement en me forçant, 2 portions de tomme de chèvre, 1 pompot et 3 cuillères de purée de patate douce mélangées au miel, 1 petit Yop et de bonnes gorgées de St Yorre (seul eau gazeuse rencontrée sur la course heureusement pour moi). Le vent passe dans la tente et commence à me figer sur place, j'enfile le surpantalon et les gants mais rien n'y fait. A la sortie, on nous signale un peu tard que l'on peut aller dans le refuge prendre une soupe, j'y vais quand même pour me chauffer et goutter ce breuvage qui n'est pas des meilleurs pris sur une course. Je repars le vent de face sur la piste roulante que je n'avais pas pu reconnaitre l'an dernier, traversant sous Tré Cime.

Le jour se lève enfin et offre un spectacle à chaque pas, une petite montée entre blocs mène sur le Col Lavaredo qui me laissera sans voix et me fera verser quelques larmes à la vue de cette beauté panoramique sur la chaîne du Tyrol. On comprend tout de suite l'importance de devoir garder ce patrimoine et de pouvoir un jour la partager. La descente est assez roulante sur piste mais est vite oubliée avec le paysage, puis s'échappe dans un single technique jusqu'au point de secours de Landro. On a droit à un passage de torrent et une longue piste blanche plate qui nous lassera à tous jusqu'à Cimabanche (87ème, 8:23, toujours dans les temps malgré la baisse de régime), j'alterne marche et course tellement c'est long, retrouve un de mes zip à la vue de tous en bord de chemin alors qu'il était caché sous un kern.

J'enlève la veste car le soleil commence à chauffer, remets aussi la semelle en place.

La bosse de 500m de Forc. Lerosa commence à être longue, je ressents une nouvelle baisse de régime. Un gel me remet un bon coup de collier et me fait jouer le yoyo avec des gars. Je garde du jus dans la descente avec des jambes devenant lourdes jusqu'à Malga Ra Stua km 75. Je m'alimente de chèvre à nouveau et de citron, refais le plein d'eau, et pars avec plus de motivation dans la forêt même si les jambes se fatiguent de plus en plus.

Nous empruntons une très longue piste forestière, plus qu'interminable qui n'est pourtant pas si bien signalée sur le profil de course. Je n'ai plus envie de courir et m'aide des bâtons pour avancer. Les choses changent enfin après surement 1:00, le chemin se raidit enfin et nous retrouvons un très grand nombre de coureurs du Cortina trail (petit parcours), ça bouchonne parfois sur le single alors il faut se faire entendre pour passer et on se fait encore encourager quand ils voient le dossard du "grandissimo".

Je traverse le torrent, sous le soleil de plomb, avant de prendre un peu d'eau à Malga Travenanzes km89 aux alentours de midi. Je suis de plus en plus affaibli. Je me motive pour courir par alternance. Je fais quelques arrêts pour souffler car j'aurai doubler trop vite dans la montée. Dans la descente vers le refuge Gallina km95, je ressens une douleur dans la fesse qui deviendra plus franche par un choc de reception. La douleur me lance tellement que j'opte pour terminer en marchant car je boite et plus le temps passe, plus ma posture se déséquilibre, me fait pencher la tête. L'abandon me guette mais d'avoir reconnu cette dernière partie et le déplacement fait jusqu'ici ainsi que ceux qui me suivent de loin étaient un bon moyen pour ne pas craquer.

Je passe tous les derniers ravitos à ma grande surprise dans les créneaux que je m'étais fixé en mode speed hiking, en semant l'orage qui nous guettait à chaque kilomètre, et en ayant le temps de boire la moitié d'une bière locale au dernier ravito du refuge Croda di Lago km107.

Je retrouve doucement mes jambes dans cette ligne droite vers la fin, malgré les serrages de dents (et de fesses). Les premières gouttes de pluie rafraîchissent mais ne durent pas. Le moment de soulagement ultime de retrouver la civilisation et le bitume de Cortina et la foule acclamant chaque arrivant après une nuit blanche et ses kilomètres parcourus, me font totalement oublier mon objectif de classement. Je suis dans le chrono prévu en 18:05 ce qui n'est rien par rapport à ceux qui auront du subir l'orage sur les cols 30min plus tard. Je termine 94e/750 en

Un grand bravo à ceux qui ont pu terminer, à l'orga pour les moyens de sécu, le balisage et les encouragements.